À l’attaque!
Quand on a laissé notre conservateur en chef la dernière fois, il était installé dans une salle des ventes à Montréal. Depuis sa chaise, il observait sagement une vente éclair de monnaies : de très anciens exemplaires canadiens-français. Jusque-là, les enchères semblaient basses. Il avait bon espoir de remporter les prochaines, mais c’était sans compter avec les autres intéressés…
C’est le boulot du commissaire-priseur d’obtenir le prix le plus élevé possible pour un lot.
Le lot suivant, le no 13, est une monnaie de carte de 24 livres remontant à 1730, la plus grande et la plus impressionnante de toute la vente. Après de vives enchères, elle est adjugée pour 28 000 $. Une sacrée différence avec le lot précédent! Mais pas de regret : la Collection nationale de monnaies en compte déjà un exemplaire. Ce qui m’embête par contre, c’est que le sous-enchérisseur du lot no 13 sera mon rival pour le suivant.
Plusieurs misent sur le lot no 14 jusqu’à ce que le prix atteigne 10 000 $. À ce moment-là, la bataille se joue entre moi et l’homme qui a laissé filer le lot précédent. Notre carte d’identification personnelle contre la poitrine, on observe tous les deux le commissaire-priseur qui fait monter les enchères à coup de 1 000 $. Je hoche de la tête et il annonce « onze mille », puis très vite « douze mille, j’ai douze mille derrière vous, monsieur ». Je renchéris, « treize mille… » S’ensuit une pause. Je pense alors : « Il abandonne peut-être ». « Quatorze mille ». « Bon sang, mais pas du tout ». Je hoche de nouveau la tête, « quinze mille ». Et puis « seize mille ». Je me demande jusqu’où ça va nous mener. Allez, une dernière enchère. Je hoche encore la tête, et le commissaire-priseur d’ajouter : « dix-sept mille ». Puis j’entends ces paroles fatidiques : « dix-huit mille! » Je me dis : « Le couperet est tombé, j’abandonne! » Le commissaire-priseur répète « Dix-huit mille! Dix-huit mille une fois, dix-huit mille deux fois. » Il s’arrête et balaye la salle du regard. « Adjugé, VENDU pour dix-huit mille! »
Le public applaudit. Je reste de marbre, dans l’attente du prochain lot. Mais, ce sera ma seule défaite. Au cours de la quinzaine de minutes qui suit, je dépense plus de 20 000 $ : j’achète quatre exemplaires uniques d’anciens papiers-monnaies canadiens.
J’ai donc fait l’acquisition de trois exemplaires rares de papier-monnaie du Régime français et d’un exemplaire unique de bon émis par le Bureau de poste de Montréal. Les billets du Régime français sont rarissimes sur le marché et comptent parmi les plus anciens papiers-monnaies du Canada. La monnaie de carte de 12 livres fait partie d’une série lancée en 1683, époque où le gouvernement colonial manquait de fonds pour payer ses troupes.
Les deux derniers objets, datant respectivement de 1753 et de 1759, sont des billets d’ordonnance distribués pendant les guerres qui opposaient l’Angleterre à la France. En raison du grand nombre de billets émis, mais non remboursés après 1760, le papier-monnaie a suscité la méfiance au Canada jusqu’au XIXe siècle.
Le bon de 30 sous (15 pence) émis par le Bureau de poste de Montréal est le deuxième connu à ce jour. Le premier, qui vaut 6 pence, appartient à la Collection nationale de monnaies. Ces bons sont mis en circulation pendant la crise financière de 1837, époque où les banques du Bas-Canada suspendent le remboursement de leurs billets en or ou en argent. À cette période, les gens gardent leurs pièces en réserve, et les commerçants n’ont d’autre choix que d’émettre des bons (billets de papier privés) pour mener à bien leurs activités.
Désireux de retourner à Ottawa auprès de ma famille, je me hâte de sortir de la salle des ventes après les enchères. À la gare d’autocar, il y a un départ pour Ottawa toutes les heures précises, le samedi après-midi. Le temps d’arriver au guichet, j’obtiens seulement un billet pour le bus de 15 h. Je vois d’ailleurs partir le bus de 14 h quand j’arrive à la porte 18. En attendant le prochain départ, je lis un peu et je relaxe. Un homme qui veut s’acheter un billet vient m’offrir sa veste pour 70 $ (un aller simple pour Ottawa coûte 40 $). Je finis quand même par embarquer dans l’autocar. Arrivé à Ottawa avant 18 h, je saute dans un taxi, direction la maison.
Le samedi 14 mai 2016 n’a pas été plus long que les autres jours, mais j’ai l’impression d’en avoir fait plus que d’habitude : j’ai parcouru plus de 400 kilomètres en autocar pour me rendre dans l’une des grandes métropoles du Canada, et j’ai dépensé une petite fortune (heureusement, pas la mienne) pour l’achat de quatre billets d’une grande rareté. Et tous les Canadiens vont pouvoir les admirer maintenant. Pas si mal comme journée finalement! Qu’a-t-on au programme pour demain, déjà?
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