Les cryptomonnaies, c’est quoi au juste? Bonne question, mais simplifions un peu et regardons plutôt ce qu’elles ne sont pas. Les cryptomonnaies ne ressemblent à rien de ce que nous avons généralement dans nos portefeuilles ou nos comptes bancaires. Pas ça. Ni ça. Ni ça. Ces objets représentent tous une monnaie dont la Banque du Canada se porte garante. Toutefois, la Banque n’est pas garante des cryptomonnaies. Ni les autres banques centrales, ni les gouvernements, ni aucune institution, en fait. C’est pourquoi on parle de monnaie décentralisée. Si elles sont décentralisées, les cryptomonnaies ne fonctionnent pas pour autant sans règles : celles-ci sont simplement extérieures au système financier traditionnel… et reliées à un réseau informatique. En 2009, Bitcoin, la première monnaie numérique décentralisée, a introduit une technologie nommée « chaîne de blocs ». Imaginez cette chaîne comme un gigantesque registre où sont notées toutes les transactions effectuées sur le réseau. Ainsi, aucun utilisateur ne peut déjouer le système en dépensant deux fois la même cryptomonnaie. Dans le monde, des milliers d’utilisateurs disposant de matériel spécialisé – appelés « mineurs » – vérifient ces transactions. Lorsqu’ils inscrivent des transactions dans le registre, ils gagnent de nouveaux bitcoins. Ce système ne nécessite aucune autorisation : nul besoin d’une permission pour devenir utilisateur ou mineur, et aucune institution n’est responsable du système. Mais pourquoi se compliquer la vie avec ces cryptomonnaies? Que reproche-t-on aux espèces, aux cartes de débit et aux cartes de crédit? Certains sont favorables à l’utilisation de monnaies non gérées par les gouvernements et circulant en dehors des systèmes bancaires existants : un geste politique, en somme. D’autres considèrent les cryptomonnaies comme des instruments de placement. En faisant leur acquisition lorsque leur valeur est à la hausse, puis en les revendant avant leur dépréciation, on peut empocher de coquettes sommes. Comme pour les transactions en espèces, on ne transmet aucun renseignement personnel en payant avec des cryptomonnaies. Ainsi, les utilisateurs peuvent effectuer des transactions en ligne anonymement, une possibilité attrayante pour de nombreuses raisons. Mais rien n’est parfait. Il n’est pas impossible d’extraire les renseignements du registre pour connaître l’identité d’un utilisateur. C’est grâce à ce type de renseignements que le FBI a pu fermer Silk Road, une plateforme illégale de vente utilisant le réseau Bitcoin. Les cryptomonnaies suscitent des préoccupations croissantes. Plusieurs pays, dont le Canada, comptent élaborer des politiques conjointes pour réglementer cette nouvelle forme de monnaie. Les cryptomonnaies sont en plein essor : une histoire à suivre. Pour envoyer et recevoir des cryptomonnaies, la plupart des gens utilisent un portefeuille numérique. On parle ici d’une application en ligne ou installée sur son ordinateur ou son téléphone intelligent. Ce portefeuille génère et conserve les adresses publiques et les clés privées associées aux transactions de la chaîne de blocs. Comme un livret bancaire classique, il indique le solde par adresse. Alors, où se procure-t-on de la cryptomonnaie? Sur une plateforme numérique. C’est là que la plupart des gens achètent et vendent des cryptomonnaies par carte de débit ou de crédit, comme on le ferait en ligne. Comme pour les actions à la Bourse, le prix d’achat et de vente des cryptomonnaies peut énormément varier. On peut se procurer certaines cryptomonnaies à des guichets automatiques particuliers, voire directement auprès d’une autre personne. C’est très bien, mais soyons francs : les téléphones intelligents et les disques durs peuvent planter, et les sites Web hébergeant les portefeuilles disparaître. Il est donc vivement conseillé de sauvegarder ses clés sur d’autres appareils. Par mesure de protection, certains utilisateurs impriment leurs adresses publiques et leurs clés privées sous forme de codes QR pouvant être numérisés et reversés rapidement dans le système, au besoin. D’autres vont jusqu’à transcrire l’adresse de leurs clés manuellement. La sécurité du portefeuille numérique dépend du support de stockage. Perdre l’accès à ses clés privées ou perdre de l’argent liquide, c’est jouer de la même malchance. Mais contrairement à l’argent comptant, la cryptomonnaie perdue ne pourra jamais être retrouvée… par personne. Les cryptomonnaies ne sont pas seulement utilisées en ligne, mais aussi dans certains magasins traditionnels. Pour effectuer une transaction, l’acheteur comme le commerçant doivent pouvoir accéder à leur propre portefeuille numérique. Pour conclure une transaction en bitcoins, le commerçant inscrit le prix dans son portefeuille numérique. Si le prix est en dollars, il est alors converti automatiquement en bitcoins. Un code QR s’affiche alors à l’écran du commerçant. Avec son téléphone intelligent, l’acheteur balaie ce code : son portefeuille sait ainsi où envoyer les fonds. Il saisit ensuite le montant de l’achat, puis clique sur « envoyer », ce qui lance au réseau un appel de vérification de la transaction. Les applications de portefeuille imputent des frais de transaction modiques à l’acheteur; dans le cas du réseau Bitcoin, ils tournent généralement autour de 5 sous, qui vont dans les poches du mineur. Cette pratique incite les mineurs à recueillir et à traiter rapidement les transactions. Règle générale, il faut une dizaine de minutes avant qu’un paiement s’affiche dans le portefeuille du commerçant. Dans la plupart des cas, les commerçants qui disent accepter les bitcoins ne traitent pas eux-mêmes la transaction. Moyennant des frais, un service de traitement des paiements s’en occupe. Il accepte les bitcoins de l’acheteur et les convertit en dollars qu’il envoie au commerçant. La création de cryptomonnaie résulte du minage. Les mineurs s’affrontent pour valider et enregistrer les transactions en résolvant des problèmes cryptographiques, une opération appelée « preuve de travail ». Le premier qui résout le problème reçoit une récompense de bloc, c’est-à-dire des bitcoins nouvellement créés, ce qui survient toutes les dix minutes. Le minage est hautement concurrentiel. Les premiers ordinateurs personnels ont depuis longtemps été remplacés par des plateformes spécialisées ultrarapides, maintenant reliées par centaines dans des parcs de serveurs. Les mineurs de petite envergure se regroupent pour concurrencer ces parcs. Certains ne possèdent aucune plateforme : ils louent simplement une partie de la puissance de calcul d’un parc. Mais à mesure que les mineurs augmentent leur puissance de calcul pour résoudre le problème d’une preuve de travail, le réseau en accroît automatiquement la difficulté pour maintenir l’intervalle de dix minutes. De plus, la récompense diminue de moitié tous les quatre ans, ce qui n’aide nullement les mineurs à faire de l’argent. Qu’arrivera-t-il lorsque les récompenses du réseau Bitcoin deviendront trop réduites pour que le minage soit profitable? La rémunération des mineurs pourrait alors dépendre d’une hausse de la valeur du bitcoin ou des frais de transaction. Les mineurs moins importants pourraient abandonner certaines cryptomonnaies. Quasi centralisés, les réseaux réuniraient un nombre toujours décroissant de puissants opérateurs de mines… opérateurs n’ayant de compte à rendre à personne. Mais sans minage, point de transactions; c’est pourquoi les concepteurs de cryptomonnaies pourraient devoir résoudre ces problèmes.