À mi-parcours d’une grande rénovation
L’Imperial War Museum occupe l’ancien hôpital psychiatrique « Bedlam ». Tout simplement superbe.
Pieds endoloris, sens de plus en plus engourdis, irritation croissante causée par les panneaux d’interprétation interminables, voilà des symptômes de la « fatigue muséale ». Cet état bien connu s’explique généralement par la tentative de visiter tout un musée en une seule fois. Mais, nous, spécialistes des musées, croyons avoir la couenne plus dure. Alors, malgré les risques certains pour ma santé, j’ai témérairement décidé de visiter, en une seule matinée, tout l’établissement phare des Imperial War Museums’ (IWM), à Londres en Angleterre. Avec un résultat mitigé.
Le musée est en rénovation depuis plusieurs années. Au moment d’écrire ces lignes, les travaux de réfection de la salle d’exposition Witnesses to War, de quelques galeries secondaires et des galeries sur la Première Guerre mondiale étaient terminés. Les autres principales expositions permanentes du musée étaient présentées selon une formule « allégée » en attendant leur modernisation. L’exposition sur la Seconde Guerre mondiale s’intitule Turning Points: 1939-1945 et propose une version abrégée du déroulement des événements, qui m’a offert une expérience relativement peu satisfaisante. Ma première impression : cette exposition voulait trop s’adapter à la courte capacité d’attention du public moderne. Mais, après réflexion, comme il s’agit finalement d’une exposition temporaire, j’ai dû admettre que le fait de présenter le plus possible de matière sur l’histoire de l’humanité à l’aide d’un nombre aussi réduit que possible d’objets représentatifs de cette période est une approche adéquate. La présentation relativement neutre des points de vue des forces de l’Axe et des Alliés m’a paru plutôt dépaysante et de bon augure pour les expositions permanentes à venir. Comme c’est le cas pour les galeries sur la Première Guerre mondiale, ces expositions regorgent d’expériences personnelles.
Lorsque j’avais visité ce musée il y a 15 ans, son atrium était un espace encombré, mais fascinant. Il ressemblait, pardonnez-moi l’image, à un gigantesque magasin de jouets. En haut, des avions de combat semblaient se pourchasser, tandis qu’en bas, d’imposantes et lourdes machines de guerre étaient alignées sur les mezzanines ou dispersées au rez-de-chaussée. Le nouvel atrium est plus étroit et plus haut, et réunit moins d’une dizaine d’objets de grande taille représentant cent ans de conflits armés ayant impliqué les Britanniques. Aux allures de cathédrale, les salles d’exposition occupent trois côtés et présentent çà et là des objets disposés en encorbellement vers le vaste espace. Les étages supérieurs sont accessibles par de spectaculaires escaliers abrupts au fond de l’atrium. Je ne suis pas certain qu’ils améliorent la circulation de la foule, mais ils sont très imposants et offrent une vue extraordinaire sur le musée.
Les galeries sur la Première Guerre mondiale se trouvent à l’étage inférieur et forment un contraste saisissant avec l’atrium, tellement elles sont sombres. Étant donné la nature délicate des nombreux objets en exposition, ce choix n’est pas surprenant et crée l’atmosphère de respect qui s’impose. Comptant 2 000 objets, les galeries offrent une expérience enrichissante grâce à une fabuleuse collection, des effets personnels de soldats illustrant la vie dans les tranchées aux imposantes machines de guerre. On peut aussi lire des citations bouleversantes et émouvantes de soldats. Gravées sur des plaques de béton rappelant des pierres tombales et disposées dans les galeries, elles « résonnent » tout le long de l’exposition. Le contenu est souvent très personnel et présente l’aspect civil de la guerre, bien plus que dans les autres expositions sur la Grande Guerre que j’ai pu visiter. Il aborde en effet le rationnement, la fabrication de munitions et même le point de vue d’objecteurs de conscience. Par ailleurs, l’exposition est assez axée sur la technologie numérique et offre plusieurs expériences immersives et interactives, mais elle est si subtile qu’elle semble se fondre dans l’interprétation traditionnelle. En somme, l’exposition est très satisfaisante, à la fois choquante et touchante.

La correspondance est un élément important de la méthode d’exposition très personnelle utilisée pour les galeries sur la Première Guerre mondiale. Cette vitrine présentant des cas de blessure, des prothèses et des lettres d’amour était particulièrement touchante.
Je dois avouer avoir traversé les galeries sur la Seconde Guerre et sur la fin du XXe siècle à une vitesse inhabituelle pour consacrer ma dernière heure à l’exposition sur l’Holocauste. Cette dernière est aussi en attente de modernisation, mais son impact et son niveau de détail conservent son caractère unique. Déconseillée aux âmes sensibles et, comme un panneau l’indique à l’entrée, aux enfants, cette galerie est difficile à visiter. Elle expose le génocide depuis la montée du nazisme au début des années 1930 jusqu’à la ghettoïsation des Juifs et à l’extermination de masse de ce peuple et d’autres populations pendant la guerre. Les visiteurs pénètrent dans un espace légèrement oppressant, dont les murs en angle créent une atmosphère lourde qui pèse sur eux pendant qu’ils découvrent la catastrophe imminente en Allemagne, l’outrageuse propagande et l’isolation des Juifs. Ils prennent ensuite un escalier qui descend vers un espace sombre et sinistre : l’expérience de la guerre proprement dite. Des effets très personnels, des photographies saisissantes et un amoncellement de chaussures confrontent le visiteur à des histoires de vie horrifiantes tout en illustrant le formidable instinct de survie des hommes. Malgré son ancienneté, cette exposition propose toujours une expérience extrêmement perturbante. C’est de loin le segment de l’IWM suscitant le plus l’empathie. À la fin de ma visite, je me sentais meurtri et ébranlé. Je suis très curieux de savoir comment l’IWM prévoit réinterpréter ce sujet sordide; apparemment, une plus grande place sera donnée aux témoignages et histoires des survivants.
Pour votre propre sécurité, ne tentez pas de visiter tout l’Imperial War Museum en une seule matinée. Vous n’en sortirez pas indemnes. Consacrez plutôt quelques heures à une ou deux expositions.
Au final, malgré les travaux de rénovation en cours, l’IWM reste une destination incontournable si vous visitez Londres. Malheureusement, j’ai manqué plusieurs expositions fantastiques pendant cette visite expresse, vous pouvez donc consulter le site du musée pour connaître toute la programmation de cette vieille institution remarquable.
Le Blogue du Musée
Le coût d’opportunité
Par : Graham Iddon
Grâce à ses superpouvoirs, Peter Parker ferait sans doute un travail fabuleux en posant lui-même les carreaux du dosseret de la cuisine. Mais en tant que Spider-Man, il a mieux à faire de son temps.
Combien y a-t-il de gros dans un noble?
Par : Graham Iddon
Pour quiconque utilise l’argent moderne au quotidien, comprendre l’ancien système monétaire britannique peut s’avérer un exercice à la fois déconcertant et fascinant, qui le fera voyager dans 13 siècles d’histoire numismatique européenne.
Explorons l’argent : questions courantes
Par : Nathan Sells
Vous êtes-vous déjà demandé qui décide des images et des portraits représentés sur les pièces de monnaie et billets de banque canadiens? Et pourquoi nos pièces de monnaie portent-elles certains noms et nos billets sont-ils de différentes couleurs? Ce guide répondra à quelques-unes de vos questions sur l’argent!
Enseigner l’économie durant la pandémie de COVID-19
Par : Adam Young
Une occasion d’apprentissage basée sur des événements qui touchent personnellement vos élèves : comment la Banque du Canada aide l’économie à traverser la pandémie.
L’histoire derrière la gravure
Par : Graham Iddon
Les hommes figurant au verso de ce billet faisaient partie d’une petite communauté de familles réunies à un campement de chasse estival appelé Aulatsiivik, sur l’île de Baffin.
Si j’avais un million de dollars… je serais assez aisé
Par : Graham Iddon
Quand le groupe Barenaked Ladies a sorti sa chanson « If I Had a $1,000,000 », les membres du groupe auraient été considérés comme riches s’ils disposaient d’un tel montant. Serait-ce toujours le cas aujourd’hui? Eh bien, il y a cette chose qu’on appelle « inflation »…
Les faux de Johnson
Par : David Bergeron
Chez les Johnson, la contrefaçon est une affaire de famille : le père grave les plaques, ses deux filles contrefont les signatures et ses cinq garçons apprennent le métier de graveur.
Le billet de banque récalcitrant
Par : Graham Iddon
Pour le billet de 50 $ de 1975, 3 images, 3 couleurs thématiques et même 3 techniques d’impression ont été proposées.
Proposer une personnalité emblématique pour le prochain billet de 5 $
Par : Graham Iddon
Au moyen d’un plan de leçon préparé par le Musée de la Banque du Canada, près de 200 élèves nous ont fait part de la personnalité canadienne qui, selon eux, devrait figurer sur notre nouveau billet de 5 $.
Le chemin de fer de Terre-Neuve : gloire et déboires
Par : David Bergeron
Même au bord de la ruine, R. G. Reid s’obstine à poursuivre la construction du chemin de fer. Encaissant des pertes colossales et n’ayant ni crédit ni liquidités, il commence à émettre des bons pour payer ses employés.
Une retraite bien méritée
Par : Graham Iddon
À compter de janvier 2021, 17 de nos vieux billets de banque n’auront plus cours légal. Qu’est-ce que ça signifie?