Pièces de monnaie d’un pseudo-État : l’Araucanie et la Patagonie
par David Bergeron, conservateur
Il n’est pas inhabituel que les micro-États – ville-États, principautés ou petits royaumes – fabriquent leur propre monnaie. La monnaie est l’un des moyens qu’une jeune nation peut mobiliser pour prôner son indépendance, parfois même avant qu’on puisse à proprement parler d’une nation. Toutefois, la pièce en question, dont l’origine remonte au projet avorté d’établir un autre pays en Amérique du Sud, est des plus intrigantes en raison de l’événement historique auquel elle est désormais rattachée : la valeureuse tentative d’un peuple autochtone de fonder son propre État dans un contexte d’ardente colonisation. Fait encore plus intrigant : la légende qui figure au revers de la pièce donne à penser que cet État était déjà colonisé – et par la France.
Au milieu du XIXe siècle, un avocat et aventurier français du nom d’Antoine de Tounens se passionna pour le peuple Mapuche de Patagonie, en Amérique du Sud. À l’époque, les Mapuche se battaient pour protéger leurs terres ancestrales, leur identité et leur culture contre l’expansion coloniale du Chili et de l’Argentine. De Tounens débarqua au Chili en 1858, bien décidé à rencontrer les Mapuche, dont il admirait la résistance héroïque. Il prit fait et cause pour leur lutte en faveur de l’auto-détermination et de la souveraineté. D’un commun accord avec leurs chefs, il élabora en 1860 une constitution pour l’Araucanie et la Patagonie, situées dans la partie méridionale du Chili et de l’Argentine d’aujourd’hui. Il déclara le territoire un royaume dont il devint le premier à occuper le trône sous le titre d’Orélie-Antoine Ier. Les autorités chiliennes le firent arrêter en 1862, le traduisirent en justice et le déclarèrent aliéné. Échappant de justesse à l’échafaud, il fut rapatrié en France.
La Collection nationale de monnaies a en sa possession trois pièces de 2 centavos frappées en 1874 pour le Royaume d’Araucanie et de Patagonie. Si ces pièces surprennent, c’est parce qu’elles semblent revendiquer cet État en puissance au nom de la France. Au revers, on peut en effet lire la légende suivante : « NOUVELLE FRANCE / DOS / CENTAVOS / 1874 ». Apparemment, Orélie-Antoine Ier avait décrété l’État comme faisant partie de la Nouvelle-France, mais cette appellation ne se retrouve nulle part ailleurs. Les pièces ne proviennent pas de leur région attitrée. Selon certaines sources, elles auraient été frappées en Belgique.
Orélie-Antoine Ier comptait bien rapporter les pièces en Patagonie pour favoriser le rétablissement de son royaume. Malgré plusieurs allers-retours infructueux, un certain nombre de pays décidèrent de reconnaître ce jeune État. L’entreprise échoua néanmoins. Roi exilé de l’Araucanie et de la Patagonie, il mourut en France en 1878. Le prince Antoine IV, son successeur actuel au trône du royaume d’Araucanie et de Patagonie (en exil), vit lui aussi en France.
Le Blogue du Musée
Enseigner les maths avec l'argent
Par : Jonathan Jerome
Qu’il s’agisse de faire de la monnaie ou de dresser un budget, travailler avec de l’argent est une excellente façon pour les élèves de s’exercer aux mathématiques.
L’entretien de vos pièces
Par : Graham Iddon
Collectionner des pièces peut être amusant et fascinant. Mais il y a certaines choses à savoir pour protéger votre collection et la garder en bon état. Parce que les pièces ne sont pas aussi résistantes que ce que vous pensez.
La sécurité, ADN des billets de banque
Par : Graham Iddon
L’impression de produits fiduciaires est l’art d’aller au-devant des menaces de contrefaçon et d’y réagir. La contrefaçon est celui de prévoir les nouveaux éléments de sécurité des billets de banque et de les contourner. Ce jeu du chat et de la souris a une incidence sur chaque aspect des billets de banque.
Enseigner l’art avec la monnaie
Par : Adam Young
De la conception au produit final, les billets de banque et les pièces de monnaie peuvent servir à explorer et à enseigner l’art, y compris les techniques et procédés artistiques.
Nouvelles acquisitions de 2022
Par : David Bergeron et Krista Broeckx
Nous voilà au début d’une nouvelle année, le moment idéal pour se remémorer certains objets notables que le Musée a ajoutés à la Collection nationale de monnaies en 2022. Chaque objet a quelque chose d’unique à raconter sur l’histoire monétaire et économique du Canada.
L’argent : une histoire de confiance
Par : Graham Iddon
Les dollars et les cents que nous utilisons tous les jours n’auraient pas de valeur sans notre confiance. Qu’il s’agisse d’or ou de bits sur un disque dur, une monnaie viable repose sur la confiance du public.
L’invasion de Winnipeg
Par : David Bergeron
Des arrestations et des fouilles étaient faites au hasard dans la rue. Des passants étaient arrêtés puis emprisonnés dans un camp d’internement. Le mark allemand a même remplacé le dollar canadien et formé la monnaie de propagande de l’opération « Si un jour... ».